éMarc
Renard
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Hormis l'Américain Simon J. Carmel(1),
personne ne semble s'intéresser aux alphabets manuels des sourds.
C'est pourtant un art sourd aux ressources infinies.
Des passerelles entre les langues orales et les
langues signées
Dans le passé, des entendants profonds malcomprenants
et malvoyants ont confondu la dactylologie avec la langue des signes.
En réalité, les dactylologies ne font pas parties des langues des
signes, ce sont des systèmes d'épellation visuelle des langues orales.
En effet, ce ne sont pas des signes qui sont épelés, mais des mots.
Les dactylologies sont une sorte de passerelle entre les langues orales
et les langues signées.
Dans chaque pays
Les dactylologies sont très nombreuses, il en existe
au moins une par pays et parfois plusieurs. Ainsi, par exemple, il
existe deux dactylologies en Espagne (Catalogne et Madrid) et en Inde
(à une main et &aerave; deux mains, héritage de l'occupation anglaise). Des
langues comme le chinois, l'arabe, le russe ont donné naissance à
des dactylologies très complexes.
À une ou deux mains
Dans le monde entier, presque tou<jours, les dactylologies
se font à une main ; la main dominante qui peut être, indifféremment
et selon les interlocuteurs, la droite ou la gauche. La main se place
à hauteur de l'épaule, bras plié. Seuls les Anglais et leurs anciennes
colonies ont des dactylologies à deux mains, aussi efficaces, mais
moins commodes.
Un art en évolution
La comparaison des dactylologies modernes et anciennes
montre une évolution des configurations. Ainsi, en France, assez récemment,
la forme du " H " s'est modifiée. La forme en vigueur depuis des siècles
(Cf. la dactylologie de Pelissier(2)) qui était trop
facilement confondue avec le " K " a été remplacée par une forme beaucoup
plus facile à distinguer et très proche de l'écriture du " H ". Pour
la dactylologie française, il est permis de souhaiter la même évolution
pour les configurations des lettres " F " et " T " qui sont trop facilement
confondues en raison de configurations trop proches. Toujours en France,
les lettres " M " et les " N " qui étaient représentées avec les poings
fermés et les doigts à la verticale, sont maintenant réalisés main
ouverte et doigts è l'horizontale. Toutefois, les deux formes continuent
à être employées selon le plus commode pour les signeurs.
Apprendre, pratiquer et lire
Les dactylologies, au moins les occidentales, sont
aussi faciles à apprendre que difficile à lire sur les mains des autres,
surtout avec des sourds qui la pratiquent à grande vitesse ! Il est
conseillé de s'entraîner devant un miroir et de ne pas s'attarder
sur les lettres isolées, mais de signer des mots courts de trois à
quatre lettres. On découvre ainsi que les configurations sont influencées
par la lettre précédente et ce sont ces " séries " qui sont reconnues.
Les éccueils de la représentation
Il n'y a guère qu'IVT, dans son ouvrage de référence(3),
qui propose une dactylologie des deux points de vue : ce que voit
celui qui signe et ce que voit celui qui lit. Les inversions dans
les dessins sont très fréquentes chez les dessinateurs, même sourds
!
Accents, ponctuation et double lettres
Les accents et la ponctuation sont absents en dactylologie.
Il est possible de les réaliser en les décrivant dans l'air, poing
fermé et index tendu. Cependant il s'agit là d'une pratique inhabituelle
qui n'est guère utilisée qu'en milieu scolaire pour préciser l'orthographe
d'un mot. Quant aux lettres doubles (" LL, NN, MM… "), elles se réalisent
en conservant la configuration et en réalisant un léger glissement
horizontal de la main.
(1) Simon J. Carmel, International hand alphabet
charts, 1982, 2e édition, édité par cet auteur.
(2) Aux origines de la langue des signes française, Boulant,
Pélissier, Lambert, les premiers illustrateurs (1855-1865), Delaporte
Yves et Renard Marc, Langue des signes éditions, 2003. (Réédité
en numérique sous le même titre aux Editions-du-fox).
(3) International Visual Théâtre - La langue
des signes - Tome deux.
Autre référence :
Gestes
des moines, regard des sourds par Aude de Saint-Loup, Yves Delaporte
et Marc Renard : un chapitre est consacré à la comparaison
des dactylologies en langues des signes française, anglaise et cistérienne.
Un tableau d'illustration de ces trois dactylologies (dessinées
par Arnaud Ballard) complète l'ouvrage. Nous avons réédité
cet ouvrage (épuisé sous forme papier) en numérique sous
le titre de
"Dieu,
du pain et des signes"
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